Que reste t-il à collecter, à étudier ? Nouveaux terrains de recherches

 

            Question récurrente et légitime, car c'est un fait indéniable et pas seulement pour la musique : le monde se globalise. On entend les mêmes musiques du fin fond de l'Asie aux capitales européennes, et le jeune Indien d'Amazonie se sent davantage attiré par le poste qui diffuse les succès antillais que par les chants traditionnels de son village. Il continue à les apprendre parfois, naviguant sans mélange entre sa culture d'origine et celle importée des centres urbains qui l'attire de façon indéniable. Un phénomène qui se ressent chez les plus jeunes, dans le souci de sortir d'un sentiment d'isolement et dont Jean-Michel Beaudet nous donne un bel exemple avec son étude des Indiens wayampi guyanais ("souffles d'Amazonie", Nanterre, société d'ethnologie; 1997, pages 164-168) .

Parfois aussi, en une génération, un pan entier de culture musicale disparaît, faute de relève. C'est le cas de la tradition des harpes d'Afrique centrale, quasiment disparue (cf. catalogue de l'exposition "La parole du fleuve, harpes d'Afrique centrale", Cité de la musique, 1999). Ce phénomène pose de façon cruciale à l'étudiant et au chercheur : que reste t-il ou que va t-il rester à étudier dans les prochaines années ?

Il faut, malgré l'acuité du problème, relativiser cette notion d'urgence qui se dégage de ce constat. Nous voyons dans les préfaces des ouvrages de certains folkloristes français du siècle dernier poindre des questions similaires. Certains tenaient leur travail comme une urgence et beaucoup de choses avaient déjà disparues. Le problème se voyait déjà souligné, alors que la discipline était encore en gestation !

Excepté le drame que constitue la perte de savoirs pour la richesse et la diversité de l'humanité, la recherche en ethnomusicologie a su répondre à ce problème. Des terrains disparaissent, mais d'autres se créent. Outre que des traditions originales restent encore bien vivaces dans de nombreuses régions du monde malgré l'envahissement de la culture occidentale, ces processus d'acculturation et de métissages ouvrent des champs d'études originaux. Si des répertoires disparaissent, d'autres sont maintenus en vie et se transforment en s'adaptant d'une façon encore peu étudiée aujourd'hui.

La discipline s'ouvre à la sociologie en étudiant des contextes musicaux liés par exemple aux musiques urbaines ou à l'immigration (cf. les travaux de Sophie Chevalier sur les pratiques musicales de la communauté portugaise à Paris et dans sa région ou ceux de Mehenna Mahfoufi sur la communauté maghrébine à Lyon et sa région, in rapport commandé par la direction de la musique et de la danse, & la société française d'ethnomusicologie).

Des manifestations musicales originales, riches ou innovantes perdurent ou se (re)créent. Gageons avec optimisme que l'ethnomusicologie n'a pas fini de donner du travail à ses chercheurs.

 

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