Y a-t-il une conception universelle de la musique ?

 

            Dans l'esprit et le discours du musicien, du musicologue et même du citoyen non spécialiste, le terme "musique" renvoie le plus souvent à une réalité bien établie et acceptée. Quand bien même une définition exacte du terme est difficile à négocier et que des nuances d'ordre affectives et esthétiques interviennent nécessairement dans certains jugements subjectifs.

Ce "confort intellectuel" est remis en question dès lors que l'on élargit son champ d'investigation dans l'espace et dans le temps. Le "concept globalisant" du terme est loin d'être universellement partagé.

Au Tibet, par exemple, le terme "n'ga-ro" désignera toute émission sonore, qu'elle soit "musicale" ou non et aucun terme n'existe pour cerner le champ que l'on associe en Occident à la musique (Ricardo Canzio).

Le mot "musique" n'a pas d'équivalent non plus en arabe yéménite de même qu'il n'en n'a pas en arabe classique, du moins pas avant le 20è siècle, nous apprend Jean Lambert dans "la médecine de l'âme" (Nanterre, société d'ethnologie, 1997, page 26).

Simha Arom signale que, à sa connaissance, il n'y a aucun terme dans aucune langue africaine pour dire "musique". Il y a bien des mots pour dire "chant", pour désigner certaines catégories de chants, pour les répertorier, mais le mot "musique" n'existe pas; ou encore, il n'y a pas de termes génériques pour "mélodie" ni "rythme" (in "de l'écoute à l'analyse des musiques centrafricaines", analyse musicale n°1, 1985, pages 35-36).

Ailleurs, c'est la danse qui, si étroitement liée à la musique instrumentale, ne se distingue d'elle par aucun mot distinct (chez les Dan de Côte d'Ivoire, le terme "ta" recouvre une catégorie d'expression artistique comprenant la danse, la musique instrumentale et le chant dansé ou dansable).

En Occident, nous donnons au terme une signification plus étroite qu'il en eut à l'origine, puisque, comme nous le montre l'étymologie, il s'agissait d'abord en Grèce antique, de l'ensemble des activités gouvernées par les muses.

On remarquera donc l'impossibilité d'arriver à une définition universellement satisfaisante de la musique au vu des conceptualisations distinctes. "Le fait musical est un fait social et anthropologique total", disait Molino.

L'ethnomusicologue doit donc parfois prendre en compte des champs connexes non musicaux, dans l'acception occidentale du terme, mais pertinents dans celle de la culture étudiée.

 

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